Europe 1 a arrêté d’émettre en grandes ondes le 31 décembre 2019 à minuit.
Ici l’émetteur TV de Nordheim. Photo: Paul Adam

La décision d’Europe 1 d’arrêter la diffusion en grandes ondes, le 1er janvier 2020, a déclenché un tollé de commentaires indignés sur les forums. Entre autres explications du groupe Lagardère, propriétaire de la radio, nous pouvions lire ceci :

« La diffusion Grandes Ondes n’est pas une diffusion d’avenir. Europe 1 doit se moderniser et capitaliser sur la FM, internet, la 4G, les enceintes connectées, et en DAB+. »

Mais voilà, on est aujourd’hui. Bon nombre d’auditeurs GO déçus et fâchés se sont exprimés sur les forums du web (tiens donc !) en précisant qu’ils écouteront désormais RTL ou RMC. Tout bénef pour la concurrence !

Qui sont donc ces déçus, accros aux grandes ondes ?

Avant tout des internautes, je viens de le souligner.

  • On y trouve des personnes attachées à leur radio hors d’âge mais qui fonctionne encore parfaitement bien dans leur cuisine, leur salon, leur jardin, leur garage ou encore leur salle de bain. Je faisais d’ailleurs partie de ces baigneurs avec ma Philips modèle 1970.
  • On y trouve aussi les agriculteurs en rase campagne, les possesseurs de voitures anciennes et les ouvriers qui écoutaient Europe 1 sur des chantiers souvent placés dans les zones où la FM passe mal (près de 20% des français ne la captent pas selon RTL).

Le catalogue papier…toujours d’actualité

Il en est de même avec notre marketing disruptif du futur. Quand on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage et quand on veut tuer le mailing ou le catalogue on dit qu’il coûte cher. A l’heure où Google, Amazon ou Booking se mettent au catalogue papier, qui pour toucher une jeune entreprise qui vient de s’immatriculer, qui pour récupérer un acheteur dont l’adresse électronique ne répond plus, bon nombre d’entreprises sont en train de scier la branche sur laquelle elles étaient, et sont toujours, confortablement assises en faisant le contraire.

Ainsi, en faisant le pari de l’avenir au nom de la « modernisation » ces entreprises se projettent sur des marchés, certes d’avenir, mais pour beaucoup inexistants aujourd’hui. Du moins avec l’ampleur qu’ils veuillent bien leur donner par rapport aux moyens qu’ils acceptent d’y consacrer.

La perte de chiffre d’affaire engendrée par l’abandon brutal d’un canal jugé obsolète ne se rattrapera jamais. Surtout, pas avec de nouveaux canaux qui n’ont pas encore l’adhésion du consommateur historique attaché tant au produit, à la marque ainsi qu’à la manière dont il avait pris l’habitude de se documenter et/ou de commander. Tout est dosage et capacité à anticiper les mutations de consommation. Mais quand il n’y a rien à anticiper, il faut aussi savoir ne pas bouger et engranger les bénéfices du présent sans forcer l’avenir.

En Allemagne et aux Etats-Unis le catalogue reprend du poil de la bête

Et c’est le fait souvent d’acteurs de la VAD qui ne l’ont jamais enterré et qui réarbitrent leurs budgets au vu de chiffres qui parlent d’eux-mêmes. C’est vrai, toutes les cibles ne sont pas rentables pour le print mais toutes ne le sont pas non plus sur le web.

Et puis il y a des phénomènes qui ne trahissent pas. La mode du vintage, boostée par la nostalgie de certaines valeurs auxquelles des classes d’âge entières étaient attachées, se traduit par les succès des rééditions, des collections, des expos, des associations et des rassemblements en tous genre. Cela est aussi une forme de nostalgie qui s’est manifestée par les réactions qu’a suscité la décision de Lagardère. 

Amazon ne laissera que peu de place aux autres distributeurs. Heureusement, nous voyons déjà se profiler des marchés de niche qui échapperont aux GAFA. Comme les grandes ondes pénétreront toujours les chaumières les plus reculées, il subsistera des canaux pour toucher ces marchés de niche. Mais peut être de moins en moins de spécialistes sachant les mettre en œuvre de façon efficace.

A l’heure où TF1 et France Télévision fournissent les armes de la télé adressée ; à l’heure où de puissants groupes de presse, comme EBRA, subitement conscientes de la richesse de leurs datas, recrutent tout azimut pour ne pas louper le virage numérique en tremblant, sentant geindre à cinquante lieues le rut des Béhémots et les Maëlstroms épais des GAFA ; des entreprises expertes de leurs canaux historiques et sur leurs marchés de niche jettent le bébé avec l’eau du bain sur l’autel du marketing de demain.     

Ils ont oublié La Fontaine qui écrivait qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, l’un est sûr, l’autre ne l’est pas.

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Une réflexion sur “Le problème du marketing de demain c’est qu’on est aujourd’hui

  1. Très juste,
    A force d’avoir la tête dans les nuages (et l’avenir), on en oublie la réalité d’aujourd’hui.
    Juste du BSC (Bon Sens Client). Et le BSC, c’est d’abord de parfaitement connaître ses clients.
    Et même si ça coûte plus que d’autres canaux, c’est aujourd’hui un luxe de dire qu’on peut se passer d’une partie de ses clients, sinon comme dit dans l’article c’est la concurrence qui va se régaler.

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