Les premiers effets du RGPD ne se sont pas fait attendre sur le volume d’emails routés depuis le début de l’année. Fin juin, dans un atelier de l’EMDay (les « assises » de l’emailing en France), un acteur majeur de l’emailing à la performance annonçait être passé de 1.5 milliard d’emails routés, à 500 millions. Tout en précisant que son portefeuille d’annonceurs avait augmenté. Il semble donc que, du spam pré-RGPD que nous avons connu, polluant et véritable « carpet bombing » provoquant des dégâts collatéraux, nous nous acheminions vers un emailing post RGPD plus durable.
La conjonction de deux phénomènes accentue cette tendance. Tout d’abord, une adresse email opt-in qui se fait plus rare, et d’autre part une réaction combinée du consommateur et du législateur pour bannir la pollution de nos boites aux lettres électroniques. Bref, on passe d’une époque d’insouciance, pour ne pas dire d’impunité où la performance brute primait sur les effets collatéraux, à une ère où la performance est toujours d’actualité mais ne peut désormais s’exprimer que dans un contexte de marketing durable. Un peu comme le développement technologique et économique qui n’a d’avenir que s’il est durable. N’en déplaise à Donald Trump.
Souvenons-nous de la crise du pétrole qui a eu la peau du Concorde. Je recommande en effet à nos jeunes spécialistes du marketing digital de se replonger dans l’histoire de ce bel avion. Bon nombre d’entre eux n’étaient pas encore nés quand il a traversé pour la première fois l’atlantique à Mach 2 en 1976. 1976, année de l’essor de la VPC et du Marketing Direct en France. 1976 : année de la numérisation du fichier des abonnés au téléphone qui a conduit, deux ans plus tard, à la Loi Informatique et Liberté . 40 ans plus tard (le 20 juin dernier) cette loi vient d’être reliftée pour permettre à la CNIL de faire respecter le RGPD.

Concorde | Marketing Direct
Le mailing est le Concorde du Marketing Direct

Ne pas jeter le Concorde avec l’eau du bain

Or, quoi qu’on en dise, on n’a jamais fait mieux que le Concorde en matière d’aviation civile. On l’a abandonné pour des raisons évidentes de coût et de pollution. Mais il n’empêche que les avions de nos jours ne pourraient être aussi performants s’ils n’avaient bénéficié de toutes les innovations nées avec le Concorde. Nos Airbus sont des compromis de technologie visant à atteindre un rapport qualité/prix acceptable pour faire un Paris New York en 7 heures. Mais ils se nourrissent de technologies qui ont permis, quarante ans auparavant, de traverser l’Atlantique en moins de 3 heures.
Ainsi, les meilleures campagnes de marketing direct actuelles sont des compromis en matière de canaux, de ciblage de traitement de la data qui se nourrissent de toutes les expériences passées ou présentes. Et notamment de celles acquises quand il s’agit de rentabiliser des envois postaux dont le coût unitaire est plus de cent fois supérieur à celui d’un email. Comme le cout d’un billet sur le Concorde était cent fois supérieur à celui d’un low-cost de nos jours.
Aussi, il n’y a jamais eu, et il n’y a toujours pas, pour des campagnes de mailings, de meilleurs fichiers que les fichiers de comportement d’achat, collant parfaitement au produit et sélectionnés selon des critères RFM. Mais allez donc monter une campagne d’emailing sur le même  principe ! Allez donc voir un broker d’adresses en lui demandant :
Je voudrais utiliser pour mon prochain emailing des acheteurs avérés de vin haut de gamme, ayant commandé sur le net au moins une fois dans les 12 derniers mois » et ayant accepté de recevoir des offres de partenaires d’autres AOC.

Autant lui demander un Paris- New York en 3 Heures et à moins de 150€.

Or, une sélection comportementale aussi fine, c’est exactement ce qu’un bon broker est en mesure de vous fournir pour un mailing « papier ».

Alors imaginons simplement que nos emailings de demain puissent profiter de cet extraordinaire qualité de ciblage dont bénéficient tous les mailings postaux qui persistent contre vents et marées (et quoi qu’on en dise) et pour le plus grand bonheur des comptes d’exploitations des sociétés qui savent les manier.

Tout d’abord, si le Concorde ne vole plus, victime des contraintes économiques et écologiques, le courrier postal personnalisé, lui, vole toujours pour une destination VIP ! Le mailing c’est le Concorde du Marketing Direct, il permet de générer des commandes qui se comptent en « pour cent » quand les autres médias calculent en « pour mille », voire « pour dix mille ». L’écarter parce qu’il n’est globalement pas rentable sur l’ensemble des cibles, c’est se passer de superbes performances sur les meilleures cibles qu’il est le seul à pouvoir toucher.

Vouloir abandonner le mailing postal en prétextant qu’il n’est pas rentable, c’est comme si on avait voulu jeter le Concorde avec tous ses brevets, toutes ses innovations, toutes ses performances. Pour repartir de zéro. Et c’est bien ce que j’ai observé ces dernières années avec l’emailing. On est parti d’une feuille blanche en privilégiant la masse, du fait de la facilité d’accès à des millions de comptes de messagerie dépersonnalisés et surtout pas chers :

  • en oubliant les acquis/connaissances du ciblage en acquisition et de la segmentation en fidélisation
  • en oubliant les principes de base du copywriting en matière de rédaction, en confondant objet et accroche, et en écartant les mots les plus accrocheurs synonymes de barrage anti spam
  • en oubliant que « cliquer n’est pas engager » comme j’ai pu le lire récemment dans un article qui n’a fait que reprendre les fondements du copywriting d’il y a 40 ans en matière d’accroche et de promesse comme nous l’enseignait jadis Siegfried Vögele ou aujourd’hui Bob Bly.
  • en oubliant les dégâts collatéraux du spam en se focalisant sur les seules retombées en valeur absolue
  • en se moquant de la préférence du prospect (voir mon dernier post)

Bref, on avait inventé un tout nouveau marketing, tout beau tout neuf. Tout sauf durable. Et ça, le RGPD vient nous le rappeler. L’histoire est un éternel recommencement. Y compris dans nos métiers. Il suffit juste de ne pas jeter le Concorde avec l’eau du bain.

L’époque de l’emailing bon marché est révolu

La tendance des chiffres évoqués au début de ce post me font dire qu’on va à nouveau s’intéresser à des techniques de ciblage et de datamining qui ont fait leur preuve à une époque où il s’agissait de véhiculer des messages à 700 € le mille quand Internet n’existait pas. Car, il ne faut pas se leurrer, l’époque de l’emailing bon marché est révolu, comme l’a été celle du pétrole pas cher. Nous rentrons dans l’ère RGPD, celle du retour en force du ciblage pointu, des bases comportementales jouissant de cautions de partenaires alimentant des campagnes hybrides ou multicanal. Et c’est le consommateur qui le veut.

Unissons-nous
Il faut être de taille pour rivaliser avec Amazon : unissez-vous !

Il y a à ce jour environ 10 000 e-commerçants français (sur 182 000 sites marchands déclarés et 70 000 actifs) qui tirent à peu près leur épingle du jeu face à un Amazon tout-puissant. Face à lui, le salut ne peut venir que de la taille et de la force qu’on peut lui opposer, a récemment souligné Ilan Benhaim, le co-fondateur de Ventesprivées.com devant la FEVAD. Or la force naît de l’union. C’est le bon moment pour nos e-commerçants de s’intéresser à créer des alliances pour faire bloc, d’apporter mutuellement leur caution, d’échanger, de louer leurs vraies bonnes adresses (et non leur mailing list de prospects) sous le contrôle de spécialistes, tiers de confiance. Bref, c’est le moment de réinventer ce qui a fait les beaux jours de la VPC, avant qu’on ne remplace le C de Correspondance par le D de la VAD, ce qui ne nous a pas rapprochés du client.

Je prédis donc, dans un avenir proche, une prise de conscience des e-commerçants, qui se rendront compte dorénavant que les vraies, bonnes adresses à prospecter ne se trouvent pas forcément que chez des « éditeurs » ou dans des mégabases mais aussi et surtout dans les bases de leurs pairs, e-commerçants comme eux. Qu’il ne s’agit plus de les considérer comme concurrents mais comme partenaires dès lors qu’ils opèrent sur les mêmes cibles mais avec des produits non-concurrents.
Ils se rendront compte que leurs propres clients sont aussi une monnaie d’échange pour accéder aux adresses d’un confrère et ils auront pris soin de les prévenir, lors de la récolte qu’une des finalités sera entre autres de leur proposer des offres de partenaires triés sur le volet et par le moyen (canal) qu’ils auront désigné dans leur préférence. Les volumes dégonfleront et les taux d’ouverture et de clic partiront en flèche.
Le respect de la préférence du consommateur tant dans le contenu de l’offre que dans la manière de la lui présenter est la condition sine qua non d’un marketing durable, si nous ne voulons pas d’un RGPD 2.0 encore plus contraignant.

Oui il existe un marketing durable. C’est à nous de le construire.

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